Pour gagner la paix, dotons-nous d’une défense et d’une diplomatie européennes fédérales

, par Chloé Fabre

Pour gagner la paix, dotons-nous d'une défense et d'une diplomatie européennes fédérales

Cette résolution a été adoptée par le Conseil d’administration de l’UEF France le 13 avril 2025.

Contexte :

La guerre d’agression russe contre l’Ukraine dure depuis plus de trois ans. Elle a bouleversé les équilibres géostratégiques avec une mobilisation quasiment unanime des États membres de l’Union européenne pour soutenir le peuple ukrainien. L’Union européenne a joué un rôle en créant non seulement un espace d’échanges et de consensus pour parler d’une seule et même voix, malgré l’opposition récurrente du gouvernement illibéral de Viktor Orbán ; elle a également activé plusieurs outils et mécanismes permettant d’apporter un soutien financier et militaire à l’Ukraine. Cette unanimité a été exceptionnelle et ne se retrouve malheureusement pas dans d’autres conflits, en particulier au Proche-Orient.
Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, c’est le système international construit après la Seconde Guerre mondiale, et auquel les fédéralistes ont pris une large part, qui est remis en cause. Ce changement de paradigme brutal s’accentue de jour en jour : remises en cause de l’aide humanitaire internationale, suspension partielle de l’aide américaine à l’Ukraine, exclusion des Européens d’éventuelles négociations pour un cessez-le-feu en Ukraine ou au Proche-Orient. Les États-Unis semblent avoir retourné leur alliance politique et remettent en cause leur soutien militaire à la sécurité sur le continent européen. Ceci favorise également la remise en cause de la Cour pénale internationale par d’autres États.
Le « cessez-le-feu » en Ukraine risque de n’être que le cache-misère de la préparation de nouvelles attaques potentielles d’une Russie toujours soumise à un pouvoir autoritaire et corrompu, ou alors, d’un autre conflit gelé créant une zone tampon où prospèrent mafia et trafic.
L’Union européenne est une alliance militaire, reposant sur l’aide et l’assistance mutuelles des États membres conformément à l’article 42.7 du Traité sur l’Union européenne (TUE), qu’il convient à présent de rendre pleinement opérationnelle.
Tous ces éléments doivent mener à une réflexion approfondie sur l’organisation politique au niveau du continent européen dans et au-delà de l’Union européenne.

Réactions européennes et opinion publique :

Face à ces menaces, plusieurs Etats du continent européen tentent de se mobiliser autour d’une « coalition des volontaires » organisée de manière complètement intergouvernementale où la Commission européenne est simple spectatrice et le Parlement européen totalement ignoré. Nous assistons donc à un renouveau des alliances d’États-nations, sans aucun élément supranational, et nécessitant toujours l’unanimité.
Chaque État, pour répondre aux défis de notre temps et pour préparer le monde qui vient, a relancé ses programmes d’armement. La Commission européenne, gardienne des traités, sur la base de ses compétences, a proposé un plan de financement « Réarmer l’Europe ». Les discussions sont focalisées sur les armements, dont la dissuasion nucléaire fait partie.
Un sondage réalisé par Cluster17 pour Le Grand Continent montre que 70 % des Européens estiment que l’Union européenne ne doit compter que sur ses propres forces pour assurer sa sécurité et sa défense. Ils sont60 % à avoir plus confiance dans une armée commune que dans leur armée nationale (19 %) pour assurer la défense de leurs pays.

Dans ce contexte, l’UEF France rappelle :

  • Que notre engagement fédéraliste a pour objectif d’établir la paix. La paix est une notion positive, elle n’est pas seulement l’absence de guerre. Établir la paix, c’est, dans son acception kantienne que nous reprenons, rendre la guerre impossible par un droit supranational permettant seul de résoudre pacifiquement les conflits entre les États.
  • Que le respect de l’État de droit, de la liberté et de la démocratie au sein même de l’Union et toutes les actions pour soutenir le retour à la démocratie pleine et entière chez nos voisins sont essentiels à la paix et à la sécurité du continent européen.
  • Que toutes les actions militaires entreprises doivent suivre ce but fondamental et respecter scrupuleusement les acquis du droit international, incluant notamment l’usage des armements prohibés par les traités.
    Ainsi, tout débat sur la défense européenne doit s’inscrire dans cet objectif et le rappeler systématiquement.

L’UEF France souligne :

  • Que l’Union européenne est un projet de paix, reposant sur le respect du droit international, des valeurs démocratiques, et de la dignité humaine, dans une perspective d’unité mondiale.
  • Que l’Union européenne doit de toute urgence garantir sa propre sécurité et son autonomie stratégique pour protéger son intégrité territoriale et ses intérêts vitaux.
  • Que la dispersion des dépenses militaires entre 27 pays est source d’inefficacité et que seule la mise en place d’une défense commune permet d’optimiser les financements et les capacités.
  • Que, pour être efficaces, les politiques d’armements doivent être la conséquence d’une stratégie commune, jouant des complémentarités d’équipement et de capacité de production des structures militaires existantes sur le continent.
  • Que la diplomatie et la défense ne sont que deux faces d’une même pièce. L’Union européenne doit pouvoir parler d’une seule voix pour pouvoir s’imposer à la table des négociations de façon crédible.
  • Que toute décision en matière de diplomatie et de défense doit bénéficier d’une large légitimité populaire pour être acceptée.
  • Qu’il est indispensable d’assurer un contrôle parlementaire et une capacité budgétaire comme il était prévu, dès 1950, avec le projet de Communauté politique européenne porté par les fédéralistes, pour encadrer la Communauté européenne de défense (CED).
  • Que le risque de basculement de nouveaux États européens vers des majorités d’extrême-droite complaisantes avec Vladimir Poutine, Donald Trump ou d’autres régimes illibéraux, impérialistes ou dictatoriaux peut rendre totalement inopérante toute défense européenne fondée sur la seule concaténation d’armées nationales et de stratégies étatiques indépendantes.
  • Que le réarmement de 27 armées nationales non intégrées dans un système commun représente un danger pour la paix entre les États membres de l’Union.

Par conséquent, l’UEF France propose :

  • À court terme uniquement, le recours à la coopération renforcée pour mobiliser les États membres dans le cadre des traités actuels de l’Union européenne, en associant dorénavant la Commission européenne et le Parlement européen aux décisions en matière de défense et d’affaires étrangères. Cette coopération renforcée doit permettre aux États membres participants, en lien avec d’autres partenaires extérieurs de l’Union – par exemple le Royaume-Uni et l’Ukraine –, d’assurer rapidement la protection et la sécurité des Européens.
  • En parallèle et pour aboutir à moyen terme, le renforcement d’une diplomatie et d’une défense communes, sur un modèle parlementaire – par exemple en Allemagne – où la Commission européenne serait dotée d’un ministre des affaires extérieures – dans la continuité de la Vice-Présidente Haute-Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – et d’un ministre de la défense compétent sur l’approvisionnement et le marché commun de l’armement et de l’Agence européenne de la défense créée en 2004 et qui doit être renforcée.
  • À travers cette diplomatie commune, une stratégie commune doit être renforcée. La Commission propose une doctrine stratégique répertoriant les menaces et les réponses à y apporter, ainsi que les relations de l’Union européenne avec l’ensemble des acteurs sur la scène internationale – États, organisations non-gouvernementales et organisations internationales. Cette stratégie doit être débattue et adoptée par les deux co-législateurs : le Parlement et le Conseil de l’Union.
  • Une doctrine militaire doit être établie suivant les mêmes modalités de débats et de décisions, d’où découleront les stratégies d’armement et d’achats communs, d’orientations industrielles et de mobilisation de la population.
  • Renforcer l’éducation à la citoyenneté européenne dans tous les pays et favoriser l’émergence d’une culture de défense commune.
  • Renforcer, coordonner et faciliter les échanges entre les réserves opérationnelles dans chaque État membre, mobilisant aussi les capacités civiles de l’Union européenne en cas de besoin, dans le but d’organiser la défense territoriale de l’Union.
  • Bien que l’ONU soit paralysée actuellement, les États membres siégeant au Conseil de sécurité doivent être utilisés pour porter cette voix unique européenne sur la scène mondiale et participer à l’établissement d’un nouvel ordre mondial basé sur un fonctionnement démocratique, comme le prévoient les traités et dans l’attente d’une réforme du système onusien.
  • Les missions de la politique de sécurité et de défense commune doivent être étendues à la défense territoriale et à la sécurité dans notre voisinage immédiat.
  • L’Union européenne doit faire passer la capacité de sa Force de réaction rapide à 60 000 soldats contre 5 000 aujourd’hui, conformément à la décision du Conseil européen d’Helsinki en 1999. Avec le renfort des armées nationales complémentaires, elle constitue une véritable armée européenne sous le commandement de l’État-major européen aux compétences et aux moyens élargis.
  • Créer une Académie militaire européenne pour former les officiers et une école de santé militaire dans le but de favoriser l’émergence d’une culture stratégique commune.
  • Inclure au sein du système européen de défense, un volet renseignement et un volet défense spatiale avec les responsables dédiés à l’état-major européen, en développant le Centre de situation et du renseignement de l’Union européenne au sein du Service européen pour l’action extérieure.
  • Créer une Académie européenne du renseignement pour renforcer les capacités communes et développer la coopération pour l’émergence d’une culture commune.
  • Renforcer les moyens et les prérogatives de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, afin de faire face aux menaces actuelles pour la sécurité des Européens et de leurs alliés.
  • Encourager les institutions et les États membres à renforcer les mécanismes de résilience de la société européenne – dont notre modèle social, la solidarité – face aux nouvelles menaces, telles que la déstabilisation de nos régimes démocratiques, la remise en cause de l’état de droit, la désinformation ou les ingérences étrangères.
  • L’Union européenne doit pouvoir emprunter et disposer d’un budget conséquent reposant davantage sur des ressources propres afin d’assurer des dépenses d’équipement et de fonctionnement nécessaires à la crédibilité d’une défense et d’une diplomatie commune, c’est pourquoi il est important de mettre en œuvre le rapport Draghi.
  • Rappelle que l’objectif des fédéralistes à terme est le démantèlement dans le monde entier de toute arme nucléaire avec le Traité d’interdiction des armes nucléaires.
  • Rappelle et apporte son soutien à la doctrine nucléaire française, qui considère que les intérêts vitaux de la France dépassent le cadre national et s’étendent à ses alliés européens. La dissuasion nucléaire française protège les intérêts vitaux de l’Union européenne et de ses États membres.
  • Propose d’européaniser les capacités nucléaires françaises.

Partagez cet article

  • Facebook icon
  • Twitter icon
  • URL courte :

Rejoignez l'UEF aujourd’hui

Vous souhaitez une Europe fédérale ? Alors agissez dès maintenant en rejoignant l’Union des fédéralistes européens.

Adhérer à l’UEF-France