L’UE écartée de l’affaire malienne ? (suite) Éditorial du 24 février 2013
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Une décision unilatérale assumée...
La récente (et première ?) prise d’otages français en marge de l’intervention de l’armée française au Mali n’a certainement pas surpris les responsables politiques ou militaires. De même, ceux-ci s’attendaient-ils probablement au durcissement (au pourrissement ?) du conflit auquel on assiste à présent.
En prenant la décision d’agir seul et sans consultations préalables, le Gouvernement a pris ses responsabilités et devra les assumer - seul - quoiqu’il en coûte.
Pouvait-il faire autrement ? Pouvait-il en particulier tenter d’insérer son intervention dans le cadre d’une « mission commune » de combat contre le terrorisme menée au nom de l’Union européenne ?
Si la réponse est clairement positive sur le plan institutionnel et juridique, elle doit être plus nuancée sur le plan politique et opérationnel.
Une compétence européenne ignorée
La presse -et donc l’opinion publique- semblent largement ignorer le rôle que pourrait jouer l’UE dans des conflits comme celui du Mali par une simple application et mise en œuvre des dispositions prévues par le Traité sur l’Union européenne (TUE).
L’article 43§1 TUE donne clairement compétence à l’UE pour « mener des missions contribuant à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire ».
Ce même article définit très largement la nature des missions qui peuvent être ainsi menées par l’UE : « actions conjointes en matière de désarmement, missions humanitaires et d’évacuation, missions de conseil et d’assistance en matière militaire, missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, mission de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. » (article 43§1).
Concrètement, l’article 44§1 prévoit que « la mise en œuvre d’une mission peut être confiée à un groupe d’États membres qui le souhaitent et disposent des capacités nécessaires pour une telle mission ».
Juridiquement, le déclenchement d’une mission de ce type est décidé par le Conseil sur proposition du Haut Représentant (article 42§4).
Or il apparaît que, dans le cas du conflit malien (qui est bien un cas de « soutien apporté à un pays tiers pour combattre le terrorisme »), ni le Haut Représentant, ni le Conseil, ni l’État membre le plus directement concerné (c’est-à-dire la France) n’ont demandé ni même suggéré le recours à une mission européenne de lutte contre le terrorisme.
En même temps des voix, parfois officielles, ont « regretté l’absence d’engagement militaire »" d’autres États membres au côté des forces françaises...
Pourquoi un tel paradoxe ?
Cette question est en général accueillie avec un sourire bienveillant et une réponse stéréotypée : « absence de volonté politique » - sans plus de précision.
Mais qui sont les responsables de cette « absence » : la France elle-même (et surtout son commandement militaire) qui souhaiterait garder un contrôle total sur ce type d’opérations (placées dans le cadre des « accords de défense » bilatéraux) ? Les autres "grands" États membres (Allemagne et Royaume-Uni notamment) qui ne seraient guère plus favorables à l’intervention de l’UE, bien que pour des raisons différentes ? D’autres États membres, traditionnellement pacifistes ou peu enclins à s’impliquer dans des conflits « post-coloniaux » ? La Haute Représentante elle-même, assez sceptique sur la notion même de mission militaire européenne et bien consciente de son déficit de crédibilité au sein du Conseil ?
La question n’ayant pas été posée - du moins publiquement - on n’en connaîtra pas la réponse. Et l’on pourra légitimement s’interroger sur l’utilité d’inscrire dans le Traité - après de longues négociations - des dispositions aussi précises qu’inutiles.
Une Union européenne exonérée
En tout cas, le rappel de ces dispositions trop méconnues du Traité exonère l’Union européenne en tant que telle de toute accusation d’impotence ou d’indifférence dans l’affaire malienne : c’est l’absence de « volonté politique » des Gouvernements en place (et, en tout premier lieu, probablement de la France) qui empêche l’Union de jouer son rôle tel qu’assigné par le Traité.
La guerre (même à l’extérieur des frontières européennes et même contre un agresseur non "statal" aux moyens somme toute assez limités) demeure une affaire trop sérieuse pour être confiée à l’UE ; elle doit rester sous contrôle national ou, à la limite, intergouvernemental.
Il demeure bien sûr que l’UE (sur d’autres bases que l’article 43 TUE) apporte déjà et intensifiera une assistance financière et technique au Mali [1] et que -hors procédure communautaire- les troupes françaises pourront bénéficier de l’appui militaire d’autres États membres.
Mais, au total, l’opinion internationale (notamment au sein des Nations-Unies) retiendra que c’est la France -ancienne puissance coloniale- qui porte toute la responsabilité de cette opération et de ses effets collatéraux éventuels.
La légitimité d’une intervention collective menée au nom de l’Union européenne aurait sans doute été plus forte et les risques de mise en cause de la puissance intervenante auraient pu être mieux assumés.
Jean-Guy GIRAUD
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