Pourquoi l’UEF soutient Amnesty International et la CFCPI dans la lutte contre l’impunité
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Après l’Afrique du Sud et le Burundi, c’est au tour de la Gambie de rejoindre le rang des États désireux de s’émanciper de la Cour pénale internationale (CPI). Alors que la Cour de la Haye, perçue comme un prétoire sous emprise occidentale et accusée de n’être qu’un simulacre de justice internationale en poursuivant essentiellement les responsables africains, fait face à une crise de légitimité sans précédent, il convient de rappeler le soutien apporté de longue date par les fédéralistes à la création de cette toute première juridiction internationale permanente compétente pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Aussi imparfaite soit-elle, la CPI porte malgré tout en elle les premiers espoirs de l’instauration d’une justice transcendant l’échelle nationale afin de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves commis contre les victimes directes de ces barbaries mais aussi, et plus indirectement, qui portent atteinte à l’humanité toute entière. Les fédéralistes, fidèles défenseurs de la « culture de la paix » et partisans de l’instauration d’un ordre international juste et démocratique, ne pouvaient que difficilement rester insensibles à cette révolution juridictionnelle supranationale instituée par la création de la CPI. C’est la raison pour laquelle, depuis 2013, l’UEF-France est membre de la Coalition française pour la CPI (CFCPI) qui se mobilise afin que la France adapte efficacement son droit pénal à l’institution de cette juridiction. C’est également la raison pour laquelle l’UEF-France se joint aux efforts et à la campagne ardemment menés par la CFCPI et Amnesty international afin de lutter contre l’impunité, puisque l’idéal de paix ne pourrait être atteint sans la justice.
« La loi ignore presque le droit », disait Hugo . Aucune citation ne pourrait mieux résumer la situation née de l’actuelle législation française relative à la compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour les crimes internationaux les plus graves qui ignore, voire viole, le droit à la lutte contre l’impunité. La loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal international à l’institution de la CPI a effectivement donné compétence aux juges français de juger, à condition qu’aucun autre juge n’ait d’ores et déjà été saisi, les crimes commis à l’étranger, par des étrangers, sur des étrangers. Toutefois, cette compétence extraterritoriale est mise en échec par trois verrous dont les rouages ont été brillamment expliqués par le film de campagne d’Amnesty international « crapules et vacances ».
Selon l’actuel dispositif, trois conditions doivent être remplies afin de faire pénétrer les prétendus criminels dans l’enceinte de nos tribunaux :
- les poursuites ne sont possibles que si l’individu a sa résidence habituelle en France
- le crime doit être punissable dans le droit français ET dans la législation de l’État où il a été commis
- seul le ministère public peut déclencher les poursuites
Une proposition de loi visant à faire sauter ces verrous constitutifs d’impunité, a été déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur en septembre 2012. Si l’initiative a été et doit être saluée et encouragée, il n’en demeure pas moins qu’il faut regretter le manque de réactivité, voire le net recul, du législateur depuis lors. Les deux premiers verrous ont certes été supprimés du texte adopté par le Sénat mais ce même texte maintient, aux motifs avancés d’un risque important de procédures abusives et d’instrumentalisation de la plainte par les victimes, le monopole des poursuites par le parquet. Cette condition est particulièrement problématique dans la mesure où, en laissant toute marge d’appréciation au seul ministère public, elle réduit à néant le rôle des victimes, pourtant considérable, dans la mise en œuvre de la procédure. Surtout, c’est le droit à l’accès au juge qui est renié alors même que sont en cause des actes dont la barbarie révolte la conscience de l’humanité. Afin de lutter contre un tel mécanisme, gage d’impunité, pourquoi ne pas introduire, ainsi que le préconisait l’ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, la possibilité pour les victimes de former un recours contre la décision négative du procureur devant le procureur général ?
Agir autrement ou opter pour l’inaction – le texte n’a à l’heure actuelle toujours pas été discuté devant l’Assemblée nationale – n’aurait pour autre conséquence que d’abandonner le rêve de justice dans une impasse et, selon le Président de la CFCPI Simon Forman, de « laisser la France seule terre d’accueil des criminels de guerre ».
« Il passera du temps avant que la justice des hommes ait fait sa jonction avec la justice », disait encore Hugo. Mais ce temps n’ébranlera pas la conviction des fédéralistes en un ordre mondial plus juste, plus démocratique et plus pacifique.
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