ONU, une histoire à écrire au présent !
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies - Domaine public - Photo par Shealah Craighead pour la Maison Blanche.
La géopolitique du monde n’a pas changé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les mêmes acteurs étatiques règlent le destin de la planète comme si le temps s’était figé depuis 75 ans. Les 5 « vainqueurs » du dernier conflit mondial se sont statufiés sur leurs sièges de l’ONU, dans leurs rêves brumeux de puissance, et le monde continue de s’organiser autour de leurs intérêts. Il y a des situations tellement établies qu’on finit par ne plus s’en étonner. On les commente, des bibliothèques entières de commentaires, et on finit par s’en accommoder comme faisant partie du cours de l’Histoire. Il y a même régulièrement des théories sur la fin de l’Histoire. Cependant, il suffirait d’une question enfantine pour retrouver notre étonnement devant les choses, et frotter ses yeux pour se réveiller.
Commençons par la France. De De Gaulle à Macron, l’État français défend son siège onusien, comme si l’Union européenne n’avait rien changé. Aucun chef d’État français n’a jamais eu le courage de mettre en accord son discours et ses actes en faveur de l’UE et son discours et ses actes sur la scène du monde. Deux facettes ambiguës : une France à l’ONU, soucieuse de son rang et de son prestige international (ce qu’il en reste) et une France dans l’UE avec un discours de plus en plus pro-européen depuis Giscard et Mitterrand. Ce grand écart est-il encore tenable ? A-t-il encore un sens ? Non, mais le problème c’est qu’il fait encore consensus chez une majorité de français. Une psychose collective. La nostalgie de la puissance. De vieux fantasmes au fond d’un coffre aux trésors depuis longtemps vermoulu. Pour la même raison, cet État français organise des sommets internationaux (COP 21, sommet de la paix…) pour exister aux yeux du monde et en même temps prétend au leadership européen : il se débat avec ses cauchemars de la fin de son empire colonial, de la fin de sa « grande » histoire. Il ne vit pas sa vie, il la rêve…
Empêtrés dans les mêmes cauchemars, les britanniques se sont repliés sur leur ile et leurs souvenirs de vieille puissance mondiale. Entrés à contre-cœur dans l’UE, ils en sortent aux forceps, avec la même douleur de leur ancienne gloire déchue. Dans ce théâtre shakespearien des illusions, ils ont repris le costume fripé des grands vainqueurs du passé. « Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » dit Shakespeare.
Du côté français encore, Il n’y a pas un seul journaliste qui n’évoque pas, à chaque fois qu’il est question d’Europe, le thème de la relation franco-allemande. Comme si nous étions toujours dans les années 50, enfermés dans un espace-temps figé, comme si la météo de l’Europe à 27 ne dépendait que du temps qu’il fait des deux côtés du Rhin. Comme si le cordon ombilical de la naissance de l’Europe n’avait pas encore été coupé. Il est symptomatique d’ailleurs que l’on revienne systématiquement aux « pères fondateurs » chaque fois que l’Europe est en crise « d’identité ». Crise d’adolescence. L’enfant ne veut pas grandir. Si nous vivions au temps présent, si nos pendules étaient à l’heure, tout cela n’aurait aucun sens. Il n’y aurait pas les anciens et les nouveaux, les premiers et les derniers… Nous serions tous à égalité, tous respectueux les uns des autres, tous unis dans la même Histoire. Mais voilà, l’Histoire est faite de passé, plus que d’avenir ! De souvenirs, plus que de réalité présente ! Là aussi, on ne vit pas l’Histoire, on la rêve…
Cependant, si on se réveillait, si on était bien là, ici et maintenant, dans ce monde présent et non dans celui d’avant, il y aurait un geste fort que l’État français pourrait faire immédiatement : commencer par donner son siège onusien à l’UE ! Ce qui prouverait réellement son ambition européenne (justifiant d’un seul coup, tout le travail qu’elle a fait dans ce sens) et tournerait définitivement la page d’un passé révolu, celui où elle cherchait encore à restaurer une puissance disparue. Fini le temps du rêve, bonjour la vie réelle ! L’Europe rattraperait des décennies de retard sur la scène du monde ! Et pourrait réellement apporter son message de paix, ce pour quoi elle s’est construite ! Les « pères fondateurs » pourraient dormir tranquilles dans leur tombe !
On imagine la conséquence : Etats-Unis, Chine, Royaume Uni, Russie seraient obligés d’accueillir de nouveaux entrants à la table, par exemple l’Union Africaine, qui pourrait accomplir pleinement sa décolonisation, incitant l’ensemble du monde à exiger une authentique assemblée mondiale. Non pas de « gouvernance mondiale » : horrible mot qui masque l’incapacité à assumer un gouvernement des affaires du monde. Incapacité à faire respecter les principes de la charte des nations unies. Incapacité à imposer des règles à la finance mondiale et des actes contre le réchauffement climatique. Incapacité à garantir une paix mondiale. Incapacité à créer une vie meilleure pour tous les habitants de cette planète.
Ainsi, dans cette assemblée, le terme de « communauté internationale » pourrait prendre sens et réalité, alors qu’il n’est qu’une coquille vide, une bonne conscience de pays riches. Paradoxalement, ce ne serait pas rêver l’Histoire mais la vivre ! Car ce serait le monde d’ici et maintenant, un monde à inventer à égalité de partenaires, et non plus ce monde d’après-guerre qui n’a jamais cessé de perdurer dans la volonté de domination des vainqueurs.
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