Une démocratie à rebours : l’exclusion des citoyens européens aux élections régionales Note de réflexion
Rédigée dans le cadre des travaux de la commission politique « Citoyenneté et fédéralisme interne », cette note de réflexion de Marion Larché pose la question du droit de vote des citoyens européens aux élections régionales.
1 757 conseillers régionaux seront élus dans quelques jours et aucun d’entre eux ne pourra se féliciter d’une victoire remportée grâce aux voix des ressortissants d’autres États membres de l’Union résidant en France. Citoyens européens et administrés de nos régions françaises, ces derniers sont pourtant privés du droit de vote et d’éligibilité aux élections régionales. Alors que la question du droit de vote des étrangers a de nouveau animé le débat public ces dernières semaines, l’exclusion des ressortissants européens non nationaux demeure une anomalie regrettable de notre système démocratique. À l’heure où la dénonciation du déficit démocratique ne cesse de prospérer en Europe, il apparaît nécessaire de promouvoir la citoyenneté de résidence et de permettre ainsi à tous les européens résidant légalement en France de pouvoir participer aux décisions locales.
Actuellement, seuls peuvent participer aux élections régionales, les françaises et les français âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et inscrits sur les listes électorales. La fermeture des urnes aux citoyens européens résidant en France est incohérente et inégalitaire. En biaisant notre système de représentation et en malmenant le sens de la citoyenneté, cette éviction électorale affaiblit considérablement la construction de la démocratie européenne.
1) L’exclusion du droit de vote est incohérente
Alors que le Traité de Maastricht, signé en 1992, a octroyé à tout citoyen européen le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et que, depuis cette date, chacun bénéficie de la possibilité d’élire les représentants municipaux, il demeure parfaitement incohérent de ne pas étendre ce droit dans le cadre des collectivités territoriales plus vastes que constituent nos régions. L’article 72 de notre Constitution place d’ailleurs toutes les collectivités territoriales – les régions, départements et communes – sur un même plan. L’éviction est d’autant plus incohérente et infondée au regard des prérogatives qui ont été confiées aux régions. Selon la loi de décentralisation de 2004, la région est la collectivité territoriale bénéficiant des transferts de compétences les plus importants. Elle œuvre ainsi considérablement dans des domaines tels que celui des transports, de l’éducation ou encore de la formation professionnelle. Alors que le gouvernement justifie la réforme territoriale de 2015 par la nécessité d’instituer une meilleure prise en compte des besoins citoyens, il convient de rappeler que ces besoins sont autant ceux des nationaux que ceux des non nationaux.
Ainsi, chaque ressortissant européen non national devrait disposer à la fois d’une voix aux municipales et d’une voix aux régionales.
2) L’éviction du droit de vote est inégalitaire
Aucun motif ne semble justifier une telle discrimination entre des citoyens français et des citoyens européens en provenance d’autres États membres. Comme les nationaux, ils travaillent et vivent au sein de notre collectivité et entrent dans la catégorie des contribuables. Or historiquement, et selon la tradition empruntée au régime parlementaire anglais du XVIIème siècle, la logique première de chaque système démocratique exige que la qualité de contribuable offre un droit de regard sur les dépenses publiques. « No taxation without représentation » !
Un allemand, un italien ou un danois qui réside en France a donc tout autant le droit qu’un français de participer aux décisions qui concernent la collectivité.
3) L’éviction du droit de vote bafoue la démocratie européenne
Le système actuel heurte et fragilise les bases mêmes de la citoyenneté supranationale instaurée il y a plus de 20 ans par le Traité de Maastricht. L’objet même de la citoyenneté européenne est d’octroyer les mêmes droits à chaque européen, qu’il s’agisse de la liberté de circulation, du droit de séjour, du droit de travailler, du droit de s’établir ou encore du droit de voter, et ce peu importe son lieu de résidence ou sa nationalité. Alors que les citoyens de l’UE en résidence régulière peuvent participer aux élections du Parlement européen en France, il semble aberrant qu’il ne puisse faire entendre leurs voix à l’échelle régionale.
La citoyenneté européenne n’est pas qu’un symbole. En se superposant à notre citoyenneté nationale, elle doit garantir l’égalité à chaque Européen et promouvoir sans attendre la citoyenneté de résidence ; cette même citoyenneté de résidence promue par la Convention du Conseil de l’Europe de 1992 relative à la participation des étrangers à la vie publique et que la France, à l’instar de ses voisins italiens et danois, gagnerait à signer afin d’améliorer l’intégration des résidents étrangers dans la vie des collectivités locales.
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