Une tribune au « Monde » en faveur d’une avancée fédéraliste de l’Union européenne
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Drapeau européen - Håkan Dahlström - Licence Creative commons - via Flickr
« C’est en faisant bloc au sein d’une fédération que les Européens pourront défendre leurs principes humanistes et leurs modes de vie »
Européens convaincus, Pierre Bernard-Reymond, Denis Clerc et Michel Dévoluy plaident, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une avancée fédéraliste de l’Union européenne, du moins pour les pays qui le souhaitent, et ils invitent la conférence sur l’avenir de l’Europe à avancer sur ce sujet. Michel Dévoluy est membre de l’UEF France et ancien président de sa section PACA.
Tribune parue dans le Monde le 14 novembre 2021.
Face aux défis géostratégiques, aux enjeux environnementaux et aux discordances sur les valeurs, l’exigence d’unanimité entre les 27 membres de l’Union européenne (UE) est devenue stérilisante. Pour avancer, osons un noyau dur fédéral. La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui tirera ses conclusions au printemps 2022, devrait s’emparer de ce thème.
La souveraineté politique, économique et sociale se sédimente désormais à l’échelle continentale. Une nation de taille moyenne est fragile et peu audible au niveau mondial. Aucun des 27 Etats membres de l’Union européenne (UE) n’est en capacité de maîtriser, seul, les gigantesques défis du XXIe siècle. De plus, c’est en faisant bloc au sein d’une fédération que les Européens pourront défendre leurs principes humanistes et leurs modes de vie.
Hélas, les 27 Etats ne sont pas tous prêts à cet élan fédéral : trop de différences, trop d’attentes divergentes. Permettre à certains d’aller plus vite et plus loin exige une Europe à plusieurs vitesses. Le premier cercle – le noyau dur – formerait alors une fédération, ce qui implique l’adhésion des Etats concernés à une constitution commune. Des traités, se fondant sur les acquis communautaires, préciseraient les objectifs et les moyens des autres cercles. Tout Etat membre aurait naturellement vocation à rejoindre le premier cercle.
L’Europe à plusieurs cercles !
Une fédération définit deux niveaux de souveraineté. Chaque Etat fédéré a des institutions et un espace politique propre. Il adhère à des valeurs partagées. L’échelon fédéral, avec son parlement et son gouvernement, lève des impôts, prend en charge les affaires étrangères, l’immigration et la défense. L’administration fédérale définit les stratégies et les politiques communes. Elle coordonne et soude l’ensemble.
En installant la paix, un marché et une monnaie unique, l’Europe a déjà accompli d’immenses avancées. De plus, l’UE a fait preuve de réactivité et de solidarité face à la crise sanitaire, notamment avec le plan de 750 milliards d’euros. Mais elle est encore au milieu du gué, et doit être parachevée. Seule une Europe politique, donc fédérale, pourra déployer toute sa force et son dynamisme au service de ses citoyens et de ses Etats membres.
Or, les traités européens en vigueur ne sont pas élaborés pour faciliter un saut qualitatif dans cette direction. Au contraire, l’exigence d’unanimité entre les membres (le veto) les oblige à progresser au même rythme dans les domaines régaliens, l’euro faisant exception. Pour sortir par le haut de cette impasse où les Etats ont des aspirations différentes et où le veto est étouffant, une seule solution existe : l’Europe à plusieurs cercles !
Pour une Europe démocratique, puissante et souveraine
Proposer aujourd’hui, à partir de quelques Etats, la création d’une fédération peut sembler décalé. En effet, mis à part les nationalistes irréductibles, beaucoup d’Européens s’interrogent et se défient d’une Union jugée trop technocratique et encline à des concessions sur les droits humains. Faut-il pour autant renoncer, alors que le temps presse ? Dans le monde actuel, préserver l’état de droit ainsi que notre modèle de démocratie sociale passe par une Europe unie dans une fédération.
Il faut se rassembler pour résister aux Etats mastodontes et aux stratégies des grandes firmes multinationales. ll faut être solidaires pour maîtriser les enjeux climatiques, agricoles, sanitaires et migratoires. Il faut faire front commun pour s’opposer aux formes de concurrence délétères qui détériorent le bien-être collectif, et la planète.
Défendons, au sein d’un noyau dur, nos valeurs et nos intérêts. Appelons à l’avènement de partis et de syndicats transnationaux indispensables à la formation d’un espace politique européen. Demandons aux élus d’agir, au-delà de l’horizon des prochaines échéances électorales. Assurons la visibilité de l’Europe dans la presse et les médias. Bref, construisons une Europe démocratique, puissante, souveraine et riche d’un récit commun.
Pour une grande fédération européenne
Le plus ardu est d’inscrire le besoin d’une Europe unie et forte dans le paysage mental et affectif des Européens. L’Europe fédérale doit devenir la boussole et l’horizon des citoyens en demande de repères stimulants et d’espoir d’un avenir plus serein. Une telle construction ne se fera pas en déniant les réalités politiques, sociales et culturelles.
Mais l’hétérogénéité ne justifie pas l’inaction. Un certain nombre d’Etats doivent et peuvent avancer. D’où l’impératif du noyau dur avec tous les Etats qui y seraient prêts et au moins, espérons-le, les six pays fondateurs. Un autre cercle comprendrait les 19 membres de la zone euro. Le troisième reprendrait l’ensemble des 27.
Mais tout cela se discute. La conférence sur l’avenir de l’Europe invite à dessiner notre futur. Ne laissons pas passer cette occasion, précieuse et déterminante. Osons l’UE à trois cercles avec, en point de mire, l’adhésion de tous à une grande fédération européenne.
Pierre Bernard-Reymond (Ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes), Denis Clerc (Economiste) et Michel Dévoluy (Titulaire de la chaire Jean Monnet d’économie européenne)
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