L’UEF Europe prend note d’une proposition de budget pluriannuel de l’UE plus élevée, mais elle a besoin de véritables ressources propres pour garantir la stabilité, l’autonomie et la responsabilité politique.

, par Chloé Fabre

L'UEF Europe prend note d'une proposition de budget pluriannuel de l'UE plus élevée, mais elle a besoin de véritables ressources propres pour garantir la stabilité, l'autonomie et la responsabilité politique.

Bruxelles, le 18 juillet 2025

L’Union des fédéralistes européens (UEF) prend note de l’augmentation proposée du budget pluriannuel de l’UE pour 2028-2034 (cadre financier pluriannuel, CFP) de 1,08 % actuellement à 1,25 % du PNB de l’UE. Il s’agit du CFP le plus important jamais proposé, tant en termes relatifs qu’absolus (environ 2 000 milliards d’euros), même si les besoins financiers réels pour fournir des biens publics européens et mondiaux sont encore plus élevés (environ 2 % du PNB de l’UE).

Cependant, l’UEF exprime sa profonde inquiétude concernant les coupes proposées dans plusieurs programmes, en particulier la politique de cohésion, et la renationalisation de la politique agricole. En outre, l’approche proposée en matière de ressources propres est insuffisante pour remédier aux limites structurelles du système financier actuel de l’UE et risque de perpétuer un modèle de dépendance aux budgets nationaux.

Un budget insuffisant avec une volonté de renationalisation

La proposition de CFP devra financer l’UE pour faire face à des défis sans précédent : une guerre commerciale avec l’Amérique de Donald Trump ; une véritable guerre avec la Russie de Vladimir Poutine ; une concurrence intensifiée de la Chine ; un conflit au Moyen-Orient ; le changement climatique ; les migrations internationales ; et la montée de l’extrême droite, avec son agenda politique anti-UE.

Le cadre financier pluriannuel (CFP) proposé, d’environ 2 000 milliards d’euros (285 milliards d’euros par an), représente 1,26 % du PIB de l’Union. Mais 0,11 % est consacré au remboursement de la dette contractée pendant la pandémie pour financer Next Generation EU, que tout autre émetteur souverain aurait simplement déployé. Cela signifie que le budget réel n’est que de 1,15 % du PIB, ce qui est largement insuffisant pour financer les objectifs stratégiques de l’Europe. Le rapport Draghi (2023) souligne que l’Union doit mobiliser au moins 800 milliards d’euros supplémentaires par an, dont 20 % en investissements publics, soit 160 milliards, pour assurer la compétitivité à long terme et la souveraineté technologique. Pourtant, l’architecture budgétaire actuelle reste inadaptée à cet objectif.

Pendant ce temps, des appels à davantage de dépenses de défense sont lancés sans augmenter suffisamment la taille globale du budget de l’UE, ce qui implique que des fonds doivent être réduits dans la cohésion, la transition verte et l’innovation. Il s’agit d’un compromis intenable.

La proposition de CFP de la Commission propose une renationalisation des programmes de dépenses, transférant ainsi davantage de responsabilités aux États membres au détriment des gouvernements régionaux. Ce recul sape la raison même d’être d’un budget européen commun et laisse passer une occasion historique de construire une Union plus forte.

Nécessité de véritables ressources propres et voie vers un véritable pouvoir fiscal fédéral.

La Commission propose de nouvelles ressources propres et des ajustements aux ressources existantes, générant 58,5 milliards d’euros par an à partir du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’UE, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), de la ressource propre basée sur les déchets électroniques non collectés, des droits d’accise sur le tabac et d’une ressource d’entreprise pour l’Europe (CORE).

C’est un progrès, mais il ne s’agit pas de véritables taxes européennes.

Contrairement au fonctionnement des systèmes fédéraux, le budget de l’UE n’est pas l’expression d’une véritable capacité fiscale. Plus de 70 % de ses recettes proviennent de contributions nationales directes. Les « ressources propres » ne sont pas de véritables taxes européennes, mais plutôt des taxes nationales perçues dans le cadre de secteurs réglementés par l’UE (par exemple, les droits de douane, les prélèvements agricoles) qui sont ensuite transférées à l’UE. Ces ressources manquent à la fois d’indépendance fiscale et d’échelle significative, les deux caractéristiques essentielles d’un véritable pouvoir fiscal.

Ainsi :

  • Le budget de l’UE reste dépendant de la volonté des gouvernements nationaux, sans possibilité de lever des recettes de manière autonome ;
  • Il est structurellement limité au financement du développement du marché intérieur et ne remplit pas de fonctions budgétaires essentielles, telles que la fourniture de biens publics européens ou la mise en œuvre de politiques de redistribution.

Comme l’indique le rapport Monti sur les ressources propres de l’UE (2017), pour que celles-ci deviennent de véritables impôts européens :

  • 1. Elles doivent être fondées sur des décisions politiques prises au niveau de l’UE, donc avec codécision impliquant le Parlement européen ;
  • 2. Les recettes doivent être versées directement au budget de l’UE, indépendamment des canaux nationaux ;
    Seule la réalisation de ces conditions permettra à l’UE de développer une véritable capacité budgétaire. Cette transformation nécessite un nouveau cadre juridique, démocratiquement légitime et supranational. Elle requiert essentiellement une réforme fondamentale des traités afin de conférer une souveraineté budgétaire à l’échelle européenne.

L’UEF propose quatre étapes vers une capacité budgétaire européenne, à commencer par :

  • la poursuite du programme NGEU avec une nouvelle échelle et un nouvel objectif (y compris la défense, les politiques climatiques, etc.) tant que le budget global de l’UE reste trop faible ;
  • l’adoption de la décision relative aux ressources propres et au cadre financier pluriannuel par la procédure législative ordinaire (permise par une clause passerelle spécifique de l’article 312.2 du TFUE), c’est-à-dire par codécision entre le Parlement européen et le Conseil décidant à la majorité qualifiée pour permettre à l’Union de devenir maître de son propre budget ;
  • l’introduction progressive de véritables ressources européennes gérées par l’UE et non par les États membres , notamment : Une taxe numérique sur les prestataires de services non-résidents ; Une taxe sur les transactions financières ; Le système d’échange de quotas d’émission (ETS2) qui couvre les émissions du transport routier, des bâtiments et d’autres secteurs ;
  • la suppression de la ratification par les États membres : l’article 311 prévoit non seulement l’unanimité au Conseil, mais aussi l’approbation par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ;

Le Parlement européen doit cesser d’accepter la logique intergouvernementale de pénurie et agir en tant qu’acteur constitutionnel.

Il doit exiger un budget plus important après son mandat de cinq ans et non de sept, préserver les programmes actuels et la concentration régionale, réclamer des pouvoirs budgétaires et soutenir la réforme des traités, comme il l’a fait dans sa résolution du 22 novembre 2023. Les traités actuels permettent un certain alignement des systèmes fiscaux nationaux et l’introduction de nouvelles sources de recettes pour le budget de l’UE, voire un budget spécifique pour la zone euro. Cependant, ils limitent considérablement le développement d’une véritable autorité budgétaire européenne en raison de la nécessité d’un accord et d’une ratification unanimes au titre des articles 311, 312, 113 et 352 du TFUE, ce qui rend toute réforme substantielle extrêmement difficile dans le cadre actuel.

L’UE doit devenir maîtresse de son propre budget, capable de fixer des priorités stratégiques, d’assurer la solidarité et d’obtenir des résultats que seule une gouvernance à l’échelle continentale peut offrir.

« Nous nous trouvons à la croisée des chemins face à des défis mondiaux sans précédent. Dans ce contexte, le cadre financier pluriannuel proposé, censé représenter une avancée pour les années à venir, est en deçà des besoins réels, principalement en raison d’un financement insuffisant. Pour assurer l’avenir de l’Europe, nous devons nous doter de ressources propres, véritables garantes de stabilité, d’autosuffisance et de responsabilité politique. La renationalisation de programmes clés sape notre force collective et dilue l’essence même de la solidarité européenne. Il est impératif de doter l’UE d’une véritable capacité budgétaire, nous permettant d’atteindre nos objectifs stratégiques et de respecter notre engagement envers tous les citoyens européens », a déclaré Domènec Ruiz Devesa, président de l’UEF.

Les blocages récurrents lors des négociations sur le CFP démontrent la nécessité d’une fédération européenne performante, centrée sur les missions essentielles, éliminant les contributions nationales qui rendent Bruxelles dépendante des États membres et supprimant le contrôle de Bruxelles sur les budgets des États. Il s’agirait plutôt de transferts de fiscalité suffisants pour que l’UE atteigne ses objectifs politiques, tels que définis par les représentants des citoyens européens et des États membres. Sans répondre à la nécessité d’un pacte politique fédéral, l’Europe risque de répéter la même erreur de processus inefficaces et lents, manquant l’occasion de renforcer la liberté, la solidarité et la protection de l’UE, de ses citoyens et de ses États membres.

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