Élargissons la protection nucléaire française maintenant ! Pour une défense européenne.

Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.

, par Jean-Marie Dhainaut

Élargissons la protection nucléaire française maintenant ! Pour une défense européenne.

Les forces militaires des membres de l’Union européenne sont majoritairement des composantes de l’OTAN complétant la force dominante des États-Unis sans former, hors OTAN, une force conventionnelle capable de dissuader. La participation de quelques-uns de ses membres à l’emploi de l’arme nucléaire américaine laisse aux seuls États-Unis la décision de cet emploi. Sans les États-Unis, les membres de l’UE aussi membres de l’OTAN ne disposent d’aucune force de dissuasion crédible maintenant, alors que, unies, leurs forces auraient un potentiel de dissuasion bien réel.
En France les forces conventionnelles et nucléaires font partie d’une stratégie intégrée autonome et les unes sont définies en fonction des autres.
La stratégie nucléaire de l’OTAN et celle de la France sont deux bases différentes pour les concepts stratégiques de ces européens militairement divisés en dehors de l’OTAN.
L’Union européenne a cru entretenir la paix par les valeurs morales et le droit et n’a jamais cherché à surmonter ces facteurs de division.
Cependant, les guerres et la menace dominent l’agenda alors que les défis globaux devraient requérir l’effort commun de l’humanité : ni la Russie ni les États-Unis ne connaissent plus d’autre droit que celui du plus fort.
Dans l’urgence donc, l’Union européenne doit se donner le pouvoir, crédible et autonome, de dissuader tout agresseur d’utiliser la force contre elle.
Les solutions politiques pacifiques gardent la priorité. Abolir les armes nucléaires reste, pour moi, un objectif lointain. Cependant, l’UE doit se donner deux capacités de dissuasion militaire : conventionnelle et nucléaire.
Créer ces deux capacités requiert des étapes qu’il nous faut grouper en deux phases, selon l’urgence de leurs aboutissements.
À très court terme, la composante nucléaire de la dissuasion peut et doit porter le message européen le plus clair et le plus efficace : c’est une « phase de protection intérimaire ».
Dès maintenant mais en un effort plus long, il faut accélérer le travail sur le cadre politique dans lequel pourront être fédérées les capacités de défense européennes et progresser dans l’intégration des forces conventionnelles : c’est la « phase d’intégration », parallèle à la première.

La phase d’intégration.

Dans la phase d’intégration, le modèle qui sera choisi pour fédérer les politiques extérieure et de défense déterminera le modèle d’intégration des composantes militaires car celles-ci sont un outil de la politique extérieure. Les Européens pourront convenir des rôles et de la gouvernance des forces conventionnelles et nucléaires dans ce cadre plus large.

La phase de protection intérimaire.

Nous devons concevoir la phase de protection intérimaire de sorte qu’elle ne compromette pas les options encore à définir de ce modèle de la phase d’intégration, qu’elle fonctionne indépendamment de ces choix futurs et qu’elle ne fasse obstacle ni à la coopération de l’UE d’autres partenaires (UK etc.) ni au fonctionnement de l’OTAN.
C’est faisable en ce que la France et les autres États-Membres de l’UE volontaires, concluent autour de l’arme nucléaire française un accord intérimaire autonome, calqué au plus près sur la dissuasion nucléaire américaine de l’OTAN.
Cet accord répond au besoin urgent : protéger immédiatement ses signataires au moins aussi efficacement que la composante nucléaire américaine de l’OTAN aujourd’hui.
Calquer le modèle actuel de l’OTAN signifie :

  • que dans la phase de protection intérimaire, la protection nucléaire couvrira tous les signataires de cet accord ;
  • que ceux-ci formeront un « Nuclear Planning Group – NPG » européen qui servira d’enceinte de consultation pour l’évolution de la stratégie, offrant donc la même qualité de participation aux décisions que dans l’OTAN ;
  • que les munitions et vecteurs seront en partie utilisés et stockés par les soldats d’États signataires, offrant donc la même possibilité de coopération que l’OTAN ;
  • que dans cette phase de protection intérimaire, le Président de la République française gardera la décision d’emploi et le code d’activation en analogie avec le modèle de l’OTAN.

Actuellement déjà, les stratégies nucléaires différentes des États-Unis et de la France coexistent dans l’OTAN. Cette coexistence peut perdurer.
L’accord intérimaire offre cependant aux Européens des avantages concernant la gouvernance et la crédibilité.
Gouvernance et doctrine sont, dans ce dispositif, plus étroitement liées aux intérêts des Européens :

  • Tous les liens géographiques, personnels, politiques et économiques permettent de penser qu’une décision française d’emploi de l’arme nucléaire sera fondée sur des critères bien plus proches des intérêts des autres membres de l’UE que ne peut l’être la décision d’un Président des États-Unis.
  • L’OTAN est une communauté de défense. L’UE est une Union bien plus complète, dans laquelle il y a aussi déjà des politiques communes. En outre, de nombreux accords de défense lient la France à ses voisins. Ce tissu de conventions fait que toute décision du Président français sera donc bien plus étroitement liée aux intérêts européens que celle d’un Président américain.
  • La participation des européens à la stratégie de l’OTAN leur demande d’utiliser les bombes à gravitation américaines là où peut aller l’avion qui les transporte, pas plus loin. Elles sont potentiellement des armes du champs de bataille. Le seul scenario étant notre défense, où se trouverait alors ce champ de bataille, si ce n’est sur le sol de l’UE ou à sa proximité ? La doctrine française, à laquelle les européens peuvent participer prévoit de ne pas employer cette arme sur le champ de bataille. Ses vecteurs peuvent la porter loin chez l’agresseur pour un effet stratégique qui doit le dissuader sans menacer les territoires qu’elle protège.

La crédibilité de la dissuasion nucléaire française est renforcée par la participation de partenaires européens :

  • Le décideur doit être déterminé à employer l’arme si nécessaire. En quoi cette détermination serait-elle moindre dans les mains d’un chef d’État européen que dans celle du chef d’État américain ?
  • Les vecteurs doivent n’être pas détruits avant leur arrivée sur les cibles. Répartir ces armes et vecteurs sur un territoire beaucoup plus grand que la France ne renforcera-t-il pas cette crédibilité actuelle ?

Hors UE, cet accord démontrera la volonté des Européens de fédérer leurs capacités de défense, créant ainsi une nouvelle perception de leur force. La solution proposée développe dès sa proclamation un effet de dissuasion.
Dans l’UE, élargir la protection nucléaire en Europe créera une nouvelle perspective commune, aidant ainsi à bâtir la défense européenne. Cette perspective influencera les décisions : elle facilitera la convergence des stratégies, des méthodes, pavant ainsi le chemin vers l’intégration des forces armées. Les décisions d’armement seront prises en fonction de cette complémentarité des composantes nucléaire et conventionnelle de la dissuasion.

Citoyen intéressé, j’en appelle aux responsables politiques français et allemands :
engagez maintenant une discussion vraiment constructive et libre d’a priori :
protéger les Européens sur la base de l’arme nucléaire française est possible et nécessaire.

Engagez-vous, avec autres États Membres de l’UE, sur la voie qui permet de
fédérer nos capacités de défense.

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