Mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille : qui est légitime pour décider ?
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Alors que le Parlement examine l’opportunité de réformer le mode de scrutin particulier des villes de Paris, Lyon et Marseille, qu’est-ce que le fédéralisme peut apporter à la réflexion ?
La loi dite “PLM” (Paris, Lyon, Marseille) impose que les conseillers municipaux à Paris, Lyon et Marseille ne sont pas élus directement par les citoyens mais par les conseillers d’arrondissement. Ces derniers sont élus par les électeurs de chacun des arrondissements de ces trois villes. Une fois élus, les conseillers municipaux de la ville globale forment le conseil municipal (central) et élisent le maire.
Une proposition de loi déposée par des députés du centre préconise d’organiser une double élection simultanée, avec deux urnes : l’une pour l’arrondissement, ou le secteur, l’autre pour la mairie centrale. Le Premier ministre souhaite adopter une réforme de la loi PLM d’ici à l’été 2025 pour qu’elle s’applique aux élections municipales de 2026.
Toute démocratie représentative saine devant se fonder sur une représentativité la plus légitime possible, il est pertinent de s’interroger sur le bien-fondé de l’élection d’une équipe municipale basée à la fois sur une très importante prime majoritaire laissant peu d’élus aux partis n’arrivant pas en tête et sur une élection indirecte via des conseils d’arrondissement. Surtout que la représentation de chaque conseil d’arrondissement au conseil municipal n’est souvent plus cohérente avec les données démographiques comme on le constate par exemple à Lyon où le 7ème arrondissement a vu un boom démographique tandis que la Presqu’île et le 6ème ont stagné.
Mais au-delà du mode de scrutin qui a une importance capitale dans l’exercice du droit démocratique des citoyens, il convient de s’interroger sur qui est légitime pour décider de ce mode de scrutin et des modalités d’élection des élus en local. En effet, est-ce normal que ce soient le Parlement et le gouvernement français dans son ensemble qui décident de ces modalités pour les habitants de ces villes ? N’est-ce pas aux habitants eux-mêmes de choisir comment ils souhaitent être représentés, dans certaines limites démocratiques que la Constitution peut fixer ?
L’essence de la subsidiarité, principe fondateur du fédéralisme, veut en effet que ce soit les principaux intéressés qui s’autogouvernent. Or, en quoi un député de la Creuse ou de Seine-Saint-Denis, élu pour légiférer pour la France entière, est légitime à s’ingérer dans la vie démocratique d’une élection municipale d’un territoire sur lequel il n’a pas été élu ?
Une fois ce principe établi, vient la question difficile du périmètre de ce territoire. Prenons par exemple la métropole de Lyon, qui possède un système unique en France, indépendant de la loi PLM mais similaire. Si on supprime le système de circonscriptions, est-ce juste de laisser autant de poids électoral à Lyon et Villeurbanne, l’hypercentre ? Est-ce que cette représentation ne favoriserait-elle pas des politiques publiques et des élus œuvrant surtout pour les intérêts des habitants de l’hypercentre aux dépens de ceux de la banlieue ? Le périmètre même de la métropole est-il le bon sachant que des communes comme Brignais, Brindas, Beynost, faisant pourtant partie de l’aire urbaine de Lyon, n’y sont pas représentées ? Une métropole régionale attire de fait beaucoup de travailleurs, de clients de commerces et de consommateurs des équipements publics et culturels de la ville centre mais qui viennent de loin. Dès lors, ces personnes là ne sont-elles pas aussi légitimes à être représentées dans les instances démocratiques de la métropole ?
C’est là que la philosophie fédéraliste par strates prend tout son sens, en trouvant un équilibre entre les intérêts très locaux et les intérêts d’un ensemble géographique plus ample, d’un bassin de vie plus large. Dans une représentation fédérale, cette tension entre la représentation démographique et la représentation territoriale se matérialise sous la forme d’un parlement bicaméral avec une chambre représentant directement les citoyens, proportionnellement à leur population, et l’autre représentant les territoires, sans considération de leur poids démographique. Or est-il pertinent de mettre en place autant d’assemblées au niveau local ? Cela ne risque-t-il pas d’alourdir l’exercice de la démocratie et la prise de décision ? L’échelon local possédant la caractéristique d’une plus grande proximité des élus avec les citoyens et d’un contrôle plus facile par ces derniers, ne peut-on pas s’appuyer sur la responsabilité des élus locaux, des électeurs et des acteurs locaux pour contribuer à cet équilibre territoires/démographie sans mettre en place des institutions plus complexes ?
Il n’y a pas de réponse toute faite à cette problématique et un fédéraliste ne saurait donner un avis théorique catégorique sur ce sujet. Comme tout choix politique, il nécessite de prendre en compte divers paramètres et critères de décision : le contexte (historique, géographique, culturel, économique etc.), les conséquences du redécoupage administratif ou du mode de scrutin sur la représentation, les politiques publiques et la pluralité partisane, et l’objectif de la réforme. Cependant, pour des villes comme Paris, Lyon, Marseille et peut-être bientôt Toulouse, il n’est pas idiot d’imaginer un conseil municipal central qui représenterait à la fois les citoyens de chaque arrondissement proportionnellement à leur population, et aussi de manière égale chaque territoire via chaque maire, tel un “sénat local”. Ceci peut d’autant plus se justifier pour la commune de Paris et la métropole de Lyon car cumulant les compétences départementales, leur poids politique est d’autant plus important.
Quoi qu’il en soit, pour que des calculs ou de la cuisine politiciens avec leurs intérêts et leurs biais partisans ne deviennent pas le principal critère de décision du mode de scrutin et des périmètres concernés, le mieux reste encore de consulter les citoyens impactés et de les faire trancher. Or, si nous reprenons l’exemple lyonnais, d’après un sondage Ifop-Fiducial pour Lyon Capitale, 81% des Lyonnais “souhaitent qu’aux élections municipales de mars 2026, le maire de Lyon soit élu directement par les électeurs lyonnais”.
Ces consultations devraient englober un périmètre le plus large possible englobant les citoyens concernés au quotidien ou de manière régulière par le territoire, à commencer par ses habitants, sans être exclusif des autres personnes contribuant à la vitalité du territoire (employés, commerçants, clients etc.).
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