Pourquoi le Parlement européen doit refuser la candidate imposée par le Conseil européen
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Ursula von der LEYEN auditionnée par des députés européens. - EP-090645A_VAN-DER-LEYEN-GREENS - Photo de Dominique HOMMEL © European Union 2019 - Source : EP
Un processus démocratique n’a pas pour vocation de donner le pouvoir au plus compétent pour une fonction. Il a pour vocation de rendre le pouvoir acceptable par le plus grand nombre possible en associant les citoyens à ce choix. Or Les adeptes de la post-démocratie ignorent cet enjeu.
Dès lors on reconnaît une démocratie en crise ou immature à ce que les titulaires des fonctions essentielles sont mal élus. Un Boris Johnson, par exemple, n’aura qu’une faible légitimité, son élection interne au parti lui donnant accès à la fonction de premier ministre hors du contexte d’une élection. Un mode de scrutin peu représentatif ou un processus de désignation du chef de l’exécutif qui ne soit pas assez transparent ni assez participatif vient affaiblir d’entrée la confiance envers les détenteurs du pouvoir politique.
Au niveau de l’Union européenne, faute d’une constitution digne de ce nom (le projet avorté de 2004 ne l’était pas) c’est encore plus compliqué... notamment parce que certains acteurs ont intérêt à affaiblir le lien direct entre citoyens européens et pouvoir européen.
Les partis politiques européens et membres du Parlement européen ont pris leurs responsabilité et proposés, avant le vote des citoyens aux élections européennes, des candidat.es qui ont pu présenter leurs visions et débattre publiquement.
Ce processus, dit des candidats tête de file, est naturellement très imparfait car il s’inscrit un traité européen mal écrit par des gouvernements des États peu désireux de voir l’Europe se démocratiser. Mais il reste un veritable progrès pour le débat public européen.
Et ce, indépendamment des qualités ou défauts réels ou supposés des candidat.e.s.
Le succès de cette approche en 2014 a effarouché les membres du Conseil européen qui ne souhaitent pas voir un processus transparent et démocratique se substituer à leurs tractations secrètes entre pairs.
Face à eux, on peut naturellement regretter que les partis politiques européens ne se soient pas entendus avant la réunion du Conseil pour s’accorder sur le nom du candidat autour duquel ils pouvaient se rassembler mais il est vrai que l’on en leur en a pas laissé le temps et que les chefs de gouvernements ont voulu avancer à marche forcée avant que nos élus n’aient pu définir un programme de coalition comme cela se fait dans les démocraties parlementaires européennes.
Dès lors le Conseil européen a choisi de tenter un coup de force pour revenir en arrière en écartant les candidats qui ont mené la campagne et que les citoyens qui s’intéressaient aux élections ont pu écouter.
Pour les européistes, ceux qui applaudissent tout ce qui vient des institutions européennes, et pour les adeptes de la post-démocratie, pas de problème. Clap clap le Conseil européen, clap clap Ursula van der Leyen, clap clap l’Europe.
Pour les fédéralistes européens, c’est autre chose...
Quelque soit l’issue du vote Parlement européen sur la candidature imposée par le Conseil européen force est de constater qu’un processus qui reposait sur la croyance que le Conseil respecterait les principes démocratiques n’est pas viable. Dès lors il faut exiger des réformes comme l’a fait le président de l’UEF, Sandro Gozi, dans une lettre ouverte aux membres du Parlement européen le 9 juillet 2019.
Toutefois la question est : peut-on croire à des promesses de la candidate imposée par le Conseil qui a appris la veille de sa nomination qu’elle était pressentie et devrait son pouvoir uniquement au Conseil européen ?
Par ailleurs les réformes nécessaires impliquent aussi la bonne volonté du Conseil ? Celle-ci apparaîtra-t-elle spontanément ? Ou pas ? Notamment si ses propositions passent sans friction majeure ?
En réalité c’est un rapport de force que le Parlement européen doit imposer. Sans quoi les promesses du Conseil et de Ursula von der Leyen n’engageront que ceux qui y croient. Le Parlement européen ne peut être dissout. Il est libre de dire non. Sans engager de bras de fer avec le Conseil il ne se passera rien.
La construction européenne n’avance que par des crises. Tout est fait pour les éviter et préserver l’immobilisme. Or quand le terrain est glissant cette posture n’est pas la meilleure. Le moment est venu de forcer un questionnement sur la nature de l’Union européenne et la manière dont les citoyens sont associés à la désignation de ses dirigeants. Il n’est pas certain que les thèses des fédéralistes en la matière l’emporte. Il est certain toutefois qu’en l’absence de progrès, si la nouvelle eurosclérose ne prend pas fin, si l’Union européenne ne se transforme pas en démocratie parlementaire européenne, si elle ne se dote pas des moyens d’agir, qu’alors le populisme nationaliste continuera de croître jusqu’à rendre la tout progrès définitivement impossible.
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