Retour sur : Le Jour Fixe du 10 octobre 2018 Qu’est-ce que le fédéralisme pour vous ?
Comment votre association en est venue au fédéralisme ?
William Piqué, pour l’Union des fédéralistes européens, retrace l’histoire d’Altiero Spinelli, militant communiste, arrêté et assigné à résidence par le régime de Mussolini. Il écrit, sur l’Ile de Ventotene, un manifeste où il pense à la manière de mettre fin à la guerre en Europe et dans le monde. Il prône ainsi l’organisation fédérale de l’Europe et du monde pour régler les conflits par le droit et non pas la violence. Son originalité, par rapport aux autres penseurs, est d’envisager la mobilisation populaire pour faire advenir le fédéralisme.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de la Résistance, inspirés par le fédéralisme (le manifeste a circulé sous le manteau pendant la guerre) se réunissent et créent une association européenne, l’Union des fédéralistes européens (UEF).
L’UEF a plusieurs particularités :
- le transpartisanisme : posé par Spinelli dans son manifeste à partir du constat de la division des forces face au fascisme (les communistes, les démocrates, les libéraux, les anarchistes ne travaillent pas ensemble et n’échangent pas alors qu’ils sont tous enfermés sur l’île de Ventotene), il a été ré-affirmé dans les années 70 par le choix de ne pas se présenter aux élections, ce qui provoque une scission avec un autre groupe.
- le militantisme et l’appel à la mobilisation populaire : la nouveauté portée par Spinelli est qu’il faut que la généralisation vienne des masses populaires. Il en appelle à une constituante dès le départ. L’UEF a milité dans les années 70 pour que le Parlement européen soit élu au suffrage universel direct. Cette campagne constitue l’un des succès majeurs de l’association avec la première élection du Parlement en 1979.
- le refus du nationalisme : très ancré dans son contexte de création, L’UEF considère que le nationalisme provoque la guerre. Si le refus de l’Etat-nation est moins prégnant dans les positions de l’UEF, il continue à alimenter les réflexions.
- le fédéralisme mondial : depuis Spinelli la vision mondialiste est présente. L’idéal de paix défendu par les fédéralistes ne peut exister qu’à un niveau mondial, la période de paix que connaît l’Europe prouve l’efficacité de l’organisation des relations par le droit mais ne permet pas de mettre fin à la guerre ailleurs. L’UEF est membre du World Federalist Movement qui milite pour l’instauration d’un fédéralisme mondial, à partir des Nations-Unies. Chaque macro-région serait organisée de manière fédérale et représentée au niveau mondial. L’UEF est ainsi en contact notamment avec des mouvements panafricain et panamericain.
Nicola Bertoldi présente les origines de Diem25 pour Democracy in Europe Mouvement 2025. L’association a été créé en février 2016, à la suite de la crise économique grecque notamment. L’objectif de l’association est de ré-établir la confiance entre les citoyens et les dirigeants politique pour que l’UE ne se désintègre pas d’ici 2025. Elle s’est construite autour d’intellectuels, d’artistes de militants associatifs et de personnalités politiques, notamment Yanis Varoufakis, ancien ministre des finances de la Grèce appartenant, à l’époque, au parti Siriza (acronyme de Coalition de la Gauche Radicale). L’association s’est créée dans une vision paneuropéenne où l’ensemble des membres échangent pour construire la plateforme politique. Aujourd’hui encore, les dirigeants, même locaux, sont élus par les adhérents de l’ensemble du continent. Dans l’analyse de la crise de la zone Euro, les membres de Diem25 en viennent à la conclusion que des contraintes politiques seront nécessaires pour réformer la zone Euro et que l’engagement des Etats-membres ne suffit pas. Le mouvement vise à élaborer des solutions opérationnelles qui peuvent être mise en œuvre rapidement. C’est le cas, par exemple, de la proposition de New Deal pour l’Europe, plan d’investissement massif au niveau européen pour relancer l’économie.
Diem25 se caractérise par plusieurs particularités :
- Constitutionnalisme : le mouvement prône l’élection d’une assemblée constituante pour rebâtir les fondements de l’Union européenne. L’association vise à démocratiser un espace transnational européen
- Mouvement citoyen : Diem25 travaille et s’associe avec des acteurs et des associations de terrain pour construire
- Un engagement politique dans les élections : l’association Diem25 organise le printemps européen qui rassemble différents partis et association pour présenter des listes aux élections européennes de 2019.
Marie Pouliquen présente les Jeunes Européens. Les Jeunes Européens Fédéralistes ont été créés dans les années 1970 et est active en France dès ces années-là comme association fédéraliste. Après un déclin dans les années 80, les Jeunes Européens – France sont recréés en 1992 par le Mouvement européen. Ils appartiennent au réseau européen de la JEF Europe, présent aujourd’hui dans 40 pays en Europe. L’association se conçoit comme une association s’adressant aux jeunes, mais pas seulement ! L’action des Jeunes Européens s’organise tant autour de la promotion du fédéralisme que d’un important travail de pédagogie sur l’Union européenne, porté notamment par le programme l’Europe par les jeunes qui permet de sensibiliser les citoyens, élèves principalement, à la citoyenneté européenne. A travers le journal en ligne le Taurillon, et ses éditions locales, les Jeunes Européens analyse l’actualité européenne et la rendent accessible à tous. Les actions militantes des JEF portent également sur la démocratisation de l’Union européenne et des pays voisins (action fondatrice contre la dictature en Biélorussie, devenue aujourd’hui des campagnes européennes comme #Dont’ touch my shengen, #Underpressure).
Le fédéralisme est conçu comme idéal à long terme qu’il ne faut jamais perdre de vue. Les Jeunes Européens n’ont pas de priorité thématique (économie, défense ou environnement), tous les domaines du fédéralisme sont abordés sur un pied d’égalité. Ils portent également l’idée que la fédération ne se fera pas sans le soutien des citoyens et en démocratisant le système actuel. Les Jeunes Européens privilégient une méthode des petits pas dans la réalisation d’une Fédération. Pour eux, le fédéralisme marche main dans la main avec la démocratisation.
Les Jeunes Européens porte un fédéralisme transpartisan à l’instar de UEF ainsi qu’une vision constitutionnaliste. Une constituante citoyenne qu’ils appellent aussi de leurs vœux. Promouvoir le fédéralisme auprès des citoyens dans des actions de rue, mais aussi lors d’évènements de plus vaste ampleur, comme l’European Youth Convention en 2017 et le MOFEU à venir sont l’une des priorités des JE.
La défense du fédéralisme fait partie intégrante de l’ADN des Jeunes européens France, mais concerne une partie seulement de l’activité des Jeunes Européens.
Les différents éléments peuvent être synthétisés comme suit :
Les grands défis du fédéralisme
Les participants ont ensuite été interrogés sur les principaux défis pour le fédéralisme aujourd’hui. Plusieurs aspects sont ressortis :
La question de l’identité au niveau européen
- Une identité européenne « Unité en diversité »
- Une identité européenne forte chez tous les Etats membres et leurs citoyens et que tous les Etats membres arrivent à faire converger leurs intérêts
- Un sentiment d’appartenance à l’Europe
- La connaissance mutuelle des peuples
- Le non-besoin d’avoir une identité, cf article de Ronan Blaise sur Le Taurillon
La nécessité de démocratiser l’UE et de renforcer la citoyenneté
- La nécessité de remettre en cause la distinction entre les schémas institutionnels (type Hamilton) et intégraux (type Proudhon)
- La nécessité d’assurer l’égalité de décision des citoyen-ne-s sur les sujets qui les concernent à tous les niveaux (ville, région, Etat, continent, monde)
- Le besoin de rétablir un lien fort entre les citoyens et leurs représentants politiques
- Le besoin de renforcer la citoyenneté européenne
- La nécessité de démocratiser le système politique européen
La nécessité que les fédéralistes aient une capacité d’action
- Le besoin d’élire des gouvernements fédéralistes
- Le besoin d’avoir une capacité d’action politique
- Le besoin d’avoir des partis européens et un véritable débat politique paneuropéen
Des propositions de méthodes pour proposer les solutions fédérales
- Voir le fédéralisme comme une perspective d’avenir
- Commencer par un fédéralisme des régions à l’intérieur des Etats
- Donner conscience aux citoyens européens de ce que leur apporte l’Union européenne, on a tendance à ne plus voir les bénéfices de l’intégration
- Eviter le mot « fédéralisme » car c’est avant tout le mot qui fait peur aux gens
- Faire accepter aux populations et aux gouvernement la perte de souveraineté des Etats au profit de l’UE
- Rappeler que le fédéralisme est différent de la perte d’identité ou de la perte de souveraineté
Des thématiques prioritaires :
- Les frontières (question de l’élargissement, question des limites de l’espace commun)
- La défense : pour assurer la protection des citoyens européens
- La protection de l’environnement qui n’a d’utilité que si elle n’est pas enfermée dans une politique étatique
- Le fait de vivre avec les autres (tous les autres, mon voisin comme un autre être humain sur la planète)
Ces premiers éléments ont donné lieu à des échanges riches et fournis.
L’UEF Paris Ile-de-France tient à remercier les intervenant-e-s, Marie Pouliquen, Nicola Bertoldi et William Piqué, les personnes ayant contribué à l’organisation de la soirée ainsi qu’à l’ensemble des participant-e-s pour leur mobilisation, leur intérêt et leur contribution aux échanges.
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