Une Europe fédérale pour surmonter la crise du coronavirus : 10 propositions des Fédéralistes européens
Communiqué de l’UEF publié sur federalists.eu le 3 avril 2020.
Les dernières semaines ont vu la crise du coronavirus se propager dans toute l’Europe, qui est devenue l’épicentre mondial de la pandémie. Les Européens sont confrontés, ensemble, à la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale.
L’Union des fédéralistes européens se félicite des mesures prises par la Commission européenne, qui a mis en place une équipe d’intervention contre le coronavirus et un fonds d’investissement, et qui a élargi le champ d’application du fonds de solidarité pour soutenir certaines actions immédiates face à la crise. Nous saluons également la décision de la Banque centrale européenne de mettre en place un nouveau programme d’achat d’urgence en cas de pandémie afin de protéger l’intégrité de la zone euro et de soutenir les États membres qui ont besoin d’augmenter leur endettement pour faire face à la crise. La solidarité dont font preuve les régions européennes pour partager les soins de certains patients gravement malades est également un signe bienvenu de la cohésion européenne.
Dans le même temps, la crise du coronavirus a clairement montré que l’Union européenne n’a aucune compétence en matière de soins de santé, alors qu’elle n’a qu’une compétence d’appui en matière de santé publique, et qu’elle n’est pas non plus dotée des instruments nécessaires pour assurer une coordination efficace pour ces urgences typiquement transnationales. Par conséquent, les États membres restent exclusivement compétents pour la gestion de leurs systèmes de soins de santé ainsi que pour la gestion des conséquences économiques et sociales de l’épidémie. Sans surprise, la gestion de la crise du coronavirus par les gouvernements nationaux confirme une fois de plus l’inefficacité et les limites de l’intergouvernementalisme. En l’absence d’un gouvernement européen doté d’instruments européens adéquats, les gouvernements nationaux sont laissés à eux-mêmes pour protéger leurs propres citoyens et leurs intérêts comme ils le peuvent. Le résultat est qu’aujourd’hui, nos pays sont dépassés.
L’Union des fédéralistes européens regrette que cela empêche notamment l’Union d’apporter une réponse efficace et coordonnée à la menace du coronavirus et de répondre à l’obligation de la Charte de l’UE d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine à tous les citoyens de l’UE et aux personnes vivant dans l’UE. L’Union des Fédéralistes Européens regrette par ailleurs le manque de solidarité entre les Etats membres tel que l’avait demandé Robert Schuman il y a 70 ans dans sa déclaration du 9 mai 1950.
Pour ces raisons, l’Union des Fédéralistes Européens appelle à prendre les mesures urgentes et à long terme suivantes :
1. Il est essentiel d’assurer l’unité de l’Union européenne et de son marché intérieur. Nous devrions annuler, dès que possible, toutes les décisions visant à réintroduire des restrictions aux frontières intérieures entre les pays de Schengen, qui ne contribuent pas à arrêter le virus puisque les foyers sont régionaux plutôt que nationaux mais risquent de compromettre le bon fonctionnement de services, tels que l’approvisionnement en denrées alimentaires et les soins de santé, qui sont d’autant plus essentiels en ce moment. L’unité du marché intérieur, ainsi que la libre circulation des personnes et des biens, en particulier dans les régions transfrontalières, doivent être assurées. C’est pourquoi seules les mesures nécessaires et bien proportionnées doivent être prises pour les restrictions temporaires à la mobilité des personnes et des biens aux frontières extérieures de l’UE ;
2. La Commission européenne devrait également être habilitée à édicter des règles applicables dans toute l’UE sur les mesures à appliquer par les États membres pour lutter contre le virus ;
3. Un consortium de recherche européen devrait être mis en place pour travailler en équipe afin de trouver un vaccin le plus rapidement possible. Les fonds européens alloués aux différents projets de recherche sont les bienvenus, mais il y a une valeur ajoutée importante à développer des efforts communs au niveau de l’UE plutôt que des efforts nationaux parallèles ;
4. La zone euro devrait immédiatement adopter une série de mesures fiscales extraordinaires et coordonnées pour atténuer les effets de la crise actuelle et ses conséquences sur l’économie européenne. Le programme d’achat d’obligations d’état de la BCE est une mesure essentielle, mais elle ne suffira pas à maintenir à un niveau tolérable les coûts d’emprunt des États membres les plus touchés. S’il y a jamais eu un moment pour une réponse européenne afin d’éviter une autre longue récession, c’est bien aujourd’hui ;
5. La zone euro doit maintenant avancer rapidement pour introduire de véritables obligations européennes, en levant de nouveaux capitaux abordables pour répondre aux besoins immédiats de dépenses de l’Union européenne et des États membres pour faire face à la crise. Cela pourrait prendre la forme d’obligations européennes de relance à émettre par l’Union européenne elle-même pour financer un plan européen visant à promouvoir la reprise économique et la cohésion sociale de l’UE pendant et après l’urgence ;
6. Le champ d’application du mécanisme européen de stabilité devrait être élargi pour financer le renforcement immédiat des systèmes de santé européens et nationaux afin de faire face à la crise sanitaire et environnementale, qui menace la vie des citoyens européens, et donc aussi la stabilité économique et financière de l’UE. L’Eurogroupe doit activer le soutien du MES pour tous les États membres touchés sans y attacher de conditionnalité supplémentaire ;
7. Le Conseil doit immédiatement approuver un cadre financier pluriannuel suffisant, portant le budget à au moins 1,3 % du PIB de l’UE, comme l’a demandé le Parlement européen, plus toutes les ressources obtenues grâce aux obligations européennes pour la relance, et permettant une plus grande flexibilité, notamment pour permettre de lancer un plan européen global de dépenses anticrise ;
À plus long terme :
8. L’UE devrait bénéficier d’une autonomie fiscale au niveau européen, fondée sur le droit de lever et de dépenser directement ses propres ressources - comme la taxe sur le carbone, la taxe numérique ou la taxe sur les transactions financières. Cette capacité fiscale permettra de financer un budget européen adéquat et des politiques européennes efficaces, à commencer par les politiques de recherche, industrielle et environnementale, qui s’avèrent encore plus nécessaires dans le contexte de la crise actuelle. Elle permettrait également l’émission de véritables obligations européennes sans avoir besoin de garanties nationales de la part des États membres ;
9. L’UE devrait se voir confier de réelles compétences dans le domaine de la santé publique, qui devrait être une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. En priorité, l’UE devrait commencer à fixer les règles de base d’une politique européenne dans les domaines de la santé publique, et même éventuellement de la prestation de soins de santé, de manière à doter la Commission de pouvoirs lui permettant de coordonner la réponse aux futures épidémies, entre autres, et de mettre en place des mécanismes solides pour répondre aux urgences de santé publique, comme tout gouvernement fédéral devrait le faire ;
10. La Conférence prévue sur l’avenir de l’Europe devrait être transformée en une Convention européenne à part entière chargée de rédiger un nouveau Pacte constitutionnel pour répondre aux défis européens actuels et futurs.
Nous devons reconnaître que le monde après le COVID-19 ne sera plus le même qu’avant. Les Européens doivent poursuivre une véritable économie éco-sociale de marché, qui rend notre société plus résistante, en renforçant le lien entre l’environnement et la croissance économique, et en reconnaissant l’importance qu’une économie plus verte et durable pourrait avoir dans une future crise de même nature. Sans une intégration systématique des facteurs écologiques, ni la compétitivité économique ni la justice sociale ne peuvent être réalisées à long terme.
L’UE et ses États membres traversent un test décisif, d’efficacité et de solidarité, qui affectera profondément la perception que les citoyens ont de notre Union pendant longtemps encore.
Cette crise montre que nous avons besoin de communautés locales fortes et résilientes. Toutefois, certains défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui - comme le montre cette crise - ne peuvent être relevés ni au niveau local, ni au niveau régional ou national. Ils exigent une réponse européenne, conformément au principe de subsidiarité. Le fédéralisme est le seul système institutionnel qui peut assurer à la fois la subsidiarité et la suppléance.
D’un seul coup, la crise du coronavirus est l’occasion de remédier aux carences de l’Union. Il est urgent de tirer les leçons de la gestion de la Grande Récession de 2008-2018, où les citoyens ont payé cher le manque de solidarité au niveau européen, et de développer une réponse européenne à la menace du coronavirus et à son impact économique et social pour transformer l’Union européenne en une Union fédérale qui soit une communauté de solidarité au destin partagé.
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