Budget européen : le moment fédéral
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
La Chancelière allemande et le Président français ont présenté un plan de relance inédit dans l’histoire européenne. Inédit, car il propose pour la première fois que la Commission européenne puisse emprunter directement, au nom de l’Union européenne, pour soutenir les États membres et les régions les plus durement touchées par la crise sanitaire. Ce fonds de relance à hauteur de 500 milliards d’euros ne serait pas remboursé par les bénéficiaires mais par la Commission, qui peut accéder à des taux d’emprunts très avantageux, et dépensé selon des priorités définies au niveau européen.
Les fédéralistes européens saluent cette initiative solidaire qui renforcera également la souveraineté de l’Europe. Même si elle s’inscrit encore dans une vision intergouvernementale et limitée qu’il faut dépasser, elle a le mérite de bousculer les positions et de faire avancer le débat dans l’attente du plan global que doit présenter la Commission.
C’est inédit et bienvenu mais cela reste modeste, malgré les cris d’orfraies poussés par les partisans du repli sur soi. La dette publique des États-Unis dépasse les 20 000 milliards d’euros et celle de la Chine les 10 000 milliards d’euros. Face à la crise et aux nouveaux équilibres géopolitiques, il est temps que l’Union européenne investisse pour son avenir et la protection de ses États membres et de ses citoyens. C’est un véritable moment fédéral qui s’offre aujourd’hui à notre continent. Nous devons nous saisir de cette opportunité de construire une Europe puissante et solidaire pour tourner définitivement le dos à la vieille Europe affaiblie par ses divisions.
En tant que fédéralistes, nous sommes pour que la politique et l’action publique s’exercent au plus près des citoyens à l’échelle la plus pertinente. Il ne s’agit donc pas de construire un super-État européen mais de doter chaque commune, région, État, et donc l’Europe, de l’autonomie et des ressources nécessaires pour investir pour ses citoyens en fonction de ses compétences.
Les ressources financières dégagées par l’Union européenne devront être utilisés par les États et les autorités locales en fonction des besoins de leurs territoires et de leurs populations, qui peuvent être très différents mais pour autant complètement légitimes, dans des limites claires et souples définies par la Commission. C’est l’occasion en France de soutenir des dépenses publiques indispensables, pour permettre par exemple à l’État de mieux se consacrer à la revalorisation des métiers qui se sont avérés cruciaux au cœur de la crise.
C’est aussi l’opportunité pour l’Europe de commencer à prendre en charge au niveau européen un certain nombre de grands programmes publics d’investissement aujourd’hui nationaux en matière de recherche, de santé, d’enseignement supérieur, de transition écologique ou de défense. Cela permettrait enfin à l’Union d’exercer sa pleine souveraineté dans le monde, et à ses États de mieux mettre en oeuvre les politiques de solidarité attendues par nos concitoyens, et désormais urgentes pour affronter une crise qui touche d’abord les plus fragiles d’entre nous.
Ce plan de relance doit s’accompagner de la création de véritables ressources propres pour l’Union. Responsable devant les citoyens à travers les élections européennes, elle doit profiter de ce moment pour couper le cordon ombilical avec les États afin d‘éviter de nouveaux Brexit qui finiraient de cantonner les pays européens au rang de nains politiques et économiques. Doter l’Europe de ressources propres, c’est en effet la possibilité de réduire et supprimer à terme les contributions nationales des États membres au budget européen, qui constituent les principaux points de crispation de la part des États partisans des petits calculs et empêchent l’Europe d’avancer.
Il est possible de supprimer ces contributions sans toucher aux dépenses existantes de la Commission dans les États membres. Il s’agirait de transférer à l’Union des ressources propres existantes telles que la taxe carbone intérieure sur les combustibles fossiles, la taxe sur les transactions financière et la taxe sur le numérique. Elles compenseraient, par exemple pour notre pays, pour moitié environ les 21 milliards que la France apporte chaque année au budget européen. La création d’un mécanisme de taxation carbone aux frontières de l’Europe, afin de pénaliser les importations de produits très carbonés, devrait permettre de compenser l’autre moitié tout en mettant en place une ressource dynamique pour l’avenir.
Transposer cela partout en Europe selon des règles communes, c’est possible et c’est le moment de s’engager dans cette voie. Avec le plan de relance massif proposé par l’Allemagne et le France et la construction d’un véritable budget fédéral, l’Union européenne répondrait à la crise, poursuivrait son soutien à chaque pays, tout en prenant en charge les dépenses qui gagneraient à être mutualisées pour garantir l’indépendance de l’Europe. Les États membres pourraient alors mieux s’investir dans l’éducation, la santé, la solidarité, et les services publics. Les partisans des petits calculs et du repli national en seraient pour leurs frais et les citoyens européens s’en trouveraient mieux protégés.
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