Selmayr : la démocratie mise à mal ?
Avertissement : les tribunes sont des contributions individuelles de sympathisants du mouvement au débat et ne reflètent pas nécessairement les positions de celui-ci.
Selmayr - eeas
La nomination de Martin Selmayr comme secrétaire général de la Commission européenne a mis le feu à Bruxelles. Chaque représentant d’une institution, d’un État ou d’un parti plus ou moins obscur, en a profité pour conspuer, frapper, assassiner le protégé d’Elmar Brok. Ses nombreux ennemis prennent une revanche personnelle, les représentants des États balisent leur pré-carré, le collège des commissaires laisse faire en espérant retrouver un peu de contrôle sur Juncker, et en dehors de ça tout le monde s’en moque.
Soyons honnêtes, personne ne sait qui est Selmayr, et le scandale n’y change pas grand-chose. S’il s’agissait en revanche de donner une image vertueuse de l’UE, c’est raté. Politiques et fonctionnaires européens passent pour des idiots utiles ou des opportunistes assoiffés, une fois de plus (d’ailleurs on ne peut même plus distinguer les uns des autres). Cela serait franchement drôle, si seulement la démocratie européenne n’en ressentait pas durement le contrecoup, mais pas pour les arguments évoqués jusqu’ici par l’un ou l’autre des commentateurs.
Les convictions de Selmayr ne sont pas en cause. Fervent européen, c’est l’un des rares à avoir fait la majorité de sa carrière au niveau communautaire.
La transparence est certes malmenée mais ce n’est pas le nœud de l’histoire. Ce genre de nomination est monnaie courante dans les États membres sans qu’aucun citoyen ne soit alerté. Seuls les intéressés sont au courant et beaucoup préfèrent regarder dans une autre direction. Les mêmes pratiques déplorables se reproduisent donc au niveau européen. Nous pouvons et nous devons les dénoncer mais il serait hypocrite de jouer aux vierges effarouchées face à cette pratique.
Non, c’est avant tout une question de principe et d’éthique de la démocratie. Instaurer des règles et prétendre les suivre à la lettre n’est pas suffisant. L’éthique compte, ou plutôt devrait compter. L’éthique au nom de laquelle Martin Selmayr aurait dû soumettre sa candidature à ses compères avec un délais raisonnable. Il aurait dû respecter le principe de concurrence méritocratique, qu’il a bafoué en agissant dans l’ombre et en plaçant une candidate de paille en guise de concurrente fantôme. Il aurait dû, mais n’a pas fait.
Mais c’est aussi et surtout une question de cadre institutionnel. Le grand accusé dans l’affaire, celui dont personne ne parle, c’est l’État Nation.
Les États Nations, ces 27 États membres qui se couvrent une fois encore d’opprobre. Car au fond, il est navrant de voir qu’un européen motivé pour faire bouger les lignes politiques en soit réduit à s’arranger avec les principes mêmes qu’il défend pour faire bouger l’UE. Ce sont les États et le principe intergouvernemental qui paralysent la politique européenne et sont à l’origine de cette affaire. C’est leur mainmise sur les politiques européennes au travers de leurs intérêts nationaux qui sont la cause profonde du Selmayrgate.
La génèse de ce scandale banal vient de la technocratisation de l’Union, résultat du refus des États de rendre l’UE plus démocratique. Le monstre technocratique bruxellois qu’est la Commission n’est rien d’autre qu’une création des États nations qui s’en servent d’épouvantail contre ceux qui veulent une Europe démocratique et fédérale.
Ces pratiques alimentent le populisme et abîment le projet politique d’une Europe unie. Mais notre dénonciation doit être dirigée dans le bon sens. Selmayr est à critiquer mais le rôle et l’attitude des États le sont encore plus. Il faut mettre fin à cette hypocrisie. Les États s’opposent au changement et profitent d’institutions faibles, technocratiques et complexes comme paratonnerre. Mais, ce sont eux qui provoquent le marasme, le désamour et la perte de confiance des citoyens et refusent de résoudre les crises en changeant le cadre.
Le vrai scandale est bien là : Selmayr devrait être élu au sein d’un Parlement européen disposant de réels pouvoirs, d’une légitimité forte et contrôlant réellement un gouvernement européen démocratique, Selmayr est donc l’idiot utile des États, qui a choisi la voie de la facilité plutôt que le combat politique. Le vrai changement doit être politique et démocratique. L’unique solution est fédérale et passera par une constituante européenne
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